Éditorial USPALZ 2022
L’année 2022 a été émaillée de nombreux évènements très encourageants dans le domaine de la maladie d’Alzheimer (MA) et des maladies apparentées (MAPA). Cette année n’avait pas débuté favorablement car, en mars, un arrêté ministériel est paru contre-indiquant la conduite automobile chez toute personne atteinte d'une pathologie neuro-évolutive comme les MAPA. Cet arrêté est actuellement discuté et contesté par de nombreuses sociétés savantes dont la Fédération des Centres Mémoire et la Société Française de Gériatrie et Gérontologie qui préconisent une décision personnalisée.
La deuxième partie de l’année a été nettement plus enthousiasmante. En juillet, la Haute Autorité de Santé a autorisé l’utilisation de la tomographie par émission de positons avec un ligand amyloïde (Vizamyl) pour l’exploration des troubles cognitifs atypiques chez des patients avec une ponction lombaire échouée, contre-indiquée ou non conclusive. La disponibilité de l’imagerie amyloïde va donc être un outil supplémentaire pour le diagnostic des formes atypiques de MA et également chez les sujets sous anticoagulation, fréquente chez les personnes âgées et qui représente une contre-indication à la réalisation d’une ponction lombaire.
Sur le plan thérapeutique, après les résultats encourageants d’un essai de phase II dans la MA (1), un essai clinique de phase III (étude CLARITY) évaluant l’efficacité d’un anticorps anti-amyloïde, le lecanemab, dans la MA a été positif sur son critère de jugement principal clinique ouvrant des perspectives à l’arrivée d’un nouveau médicament en pratique clinique. Ce traitement médicamenteux innovant a été évalué chez des patients présentant une MA débutante et a montré un ralentissement du déclin cognitif d’environ 30% sur une période de traitement de 18 mois selon le communiqué de presse du sponsor. Les détails de cet essai clinique seront présentés lors du congrès et discutés de manière à identifier au mieux les patients qui pourraient en bénéficier et les moyens nécessaires à son déploiement en pratique clinique.
En mars 2023, l’avis des agences réglementaires américaine et européenne sur la disponibilité potentielle de ce traitement sera très probablement connu. Nous espérons que cette piste thérapeutique anti-amyloïde sera également confirmée par la positivité d’un autre essai clinique de phase III évaluant le donanemab dans la MA débutante (2). Si un nouveau traitement d’immunothérapie anti-amyloïde est disponible prochainement, la filière cognitive de demain devra faire face à un énorme défi pour favoriser le diagnostic précoce et le suivi des patients traitées par ces nouvelles thérapies. Le diagnostic précoce devrait être facilité à court/moyen terme par la validation et la disponibilité en pratique clinique des biomarqueurs sanguins de la MA (3), et le développement et le déploiement d’outils digitaux. Les biomarqueurs sanguins de la MA ont fait des progrès considérables au cours des dernières années et leur précision diagnostique se rapproche actuellement des biomarqueurs utilisés dans le liquide cérébrospinal. Leur facilité d’accès pourrait permettre de faire bénéficier au plus grand nombre d’un diagnostic de précision et en temps opportun.
La prise en charge globale des patients notamment la gestion des troubles psycho-comportementaux et autres comorbidités reste toujours d’actualité. La recherche fondamentale et clinique doit être poursuivie pour mieux comprendre et appréhender le lien entre le vieillissement biologique et les MAPA ce qui pourrait permettre d’identifier de nouvelles thérapeutiques pour la prévention et le traitement de la MA dans le futur (4).
Comme en témoigne le programme du Congrès National 2022 des Unités de soins, d’évaluation et de prise en charge Alzheimer, notre discipline et filière cognitive et comportementale est très dynamique et motivée à relever les défis qui vont lui être proposés au cours de prochaines années.
Nous vous souhaitons un excellent congrès,
Julien Delrieu
Centre Mémoire de Ressources et de Recherche et Gérontopôle de Toulouse
Références
1. Swanson CJ, Zhang Y, Dhadda S, Wang J, Kaplow J, Lai RYK, et al. A randomized, double-blind, phase 2b proof-of-concept clinical trial in early Alzheimer’s disease with lecanemab, an anti-Aβ protofibril antibody. Alzheimers Res Ther. 2021 Apr 17;13(1):80.
2. Mintun MA, Lo AC, Duggan Evans C, Wessels AM, Ardayfio PA, Andersen SW, et al. Donanemab in Early Alzheimer’s Disease. N Engl J Med. 2021 Mar 13;NEJMoa2100708.
3. Angioni D, Delrieu J, Hansson O, Fillit H, Aisen P, Cummings J, et al. Blood Biomarkers from Research Use to Clinical Practice: What Must Be Done? A Report from the EU/US CTAD Task Force. J Prev Alzheimers Dis. 2022;9(4):569–79.
4. Brody M, Agronin M, Herskowitz BJ, Bookheimer SY, Small GW, Hitchinson B, et al. Results and insights from a phase I clinical trial of Lomecel-B for Alzheimer’s disease. Alzheimers Dement J Alzheimers Assoc. 2022 Mar 31;
Congrès des Unités de Soins Alzheimer 2022
Rendez-vous les 7 et 8 décembre !
Les avancées contre la maladie d’Alzheimer en 2022
Les résultats de deux grands essais thérapeutiques de phase III devraient arriver cette année : celui du Ganterumab et celui du Lecanemab ; c’est-à-dire deux anticorps monoclonaux. Ceux du Donanemab devraient tomber peu de temps après.
Si ces essais sont positifs, ils viendront confirmer les premiers résultats de l’Aducanumab avec la piste amyloïde, et nous devrions alors avoir de disponible, des traitements visant petit à petit à modifier l’évolution de la maladie. Ce sera ensuite à nous, cliniciens et soignants, de voir comment utiliser au mieux ces médicaments, et à évaluer leur impact, à la fois sur la mémoire, mais aussi les autres troubles qui atteignent les patients Alzheimer, comme les troubles du comportement et leur capacité à réaliser les actes de la vie quotidienne.
Nous devrions ensuite modifier largement notre pratique dans les unités de soins Alzheimer à tous les stades de la consultation mémoire, y compris aux stades les plus évolués. Nous aurons à décrire l’histoire de la maladie sous traitement, à tenir compte des complications éventuelles de ces traitements (ARIA), tout en sachant expliquer ces éléments aux patients et à leurs familles. Ceci entrainera sans doute un regain d’activité important du fait de la demande des malades. Nous aurons à travailler en étroite collaboration avec les soins premiers.
Si ces essais s’avèrent négatifs, il faudra d’urgence se remettre au travail, tout recommencer, car on ne peut imaginer continuer à subir la maladie d’Alzheimer sans de véritables traitements efficaces. Il faudra donner aux structures Alzheimer les moyens suffisants pour réaliser ces essais cliniques et en faire à nouveau une grande cause nationale.
Nous vous souhaitons à tous un bon congrès 2022 et nous vous encourageons à nous faire parvenir tous vos travaux au sein de vos unités de soins Alzheimer que ce soit en EHPAD, en unité de soins Alzheimer, dans des centres mémoire, les CMRR ou autour du domicile, afin d’aider les patients et leurs familles.
Le Comité d’Organisation